Nous vivons à Bourges un moment particulier de la "démocratie municipale". Ainsi, après seulement six mois d'exercice d'un mandat de six ans, le nouveau Maire se sépare de 30% de son exécutif à cause d'une triple abstention sur des délibérations à forte valeur symbolique quant au respect de la parole politique donnée aux citoyens.
Ces abstentions auraient d'ailleurs pu se révéler tactiques donc organisées afin de donner le sentiment à nos concitoyens de la difficulté donc du courage d'un Maire de prendre des décisions impopulaires (augmentation d'impôts) ou de connivences/récompenses, tout en faisant vivre une démocratie locale ouverte et participative au sein d'une majorité plurielle.
Mais l'abrogation des délégations par arrêté municipal à effet immédiat signé le jour même de la signification aux intéressés et de la conférence de presse démontre tout autre chose.
Quoi donc ?
Tout simplement que sous la Vème République, le pouvoir du maire est quasi absolu dès lors qu'il respecte l'obligation d'équilibre budgétaire annuel de fonctionnement (mais pas d'investissement...) et le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
Je reviendrai régulièrement sur les affaires budgétaires, ayant déjà pris date sur plusieurs points et dossiers. Mais concernant l'application des règles sous-jacentes de la décision prise d'abroger simultanément quatre délégations, je précise les éléments clés suivants :
Préalable :
Le maire peut mais n’est pas obligé de déléguer une partie de ses fonctions à ses adjoints. L’article L. 2122-18 alinéa 1 dispose bien que le maire ” [...] peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints “. S’il peut le faire, il ne le doit pas.
1 Le principe de l’abrogation pour une commune ou un EPCI
Prendre un arrêté rapportant les délégations de fonctions :
Lorsqu’une délégation de fonctions est donnée à un adjoint ou à un vice-président, le maire ou le président opère cette délégation en vertu d’un arrêté. De même, lorsqu’ils abrogent cette délégation, ils doivent prendre un nouvel arrêté, en respect du principe juridique du parallélisme des formes.
Cet arrêté a une valeur réglementaire et non pas individuelle : il ne leur est donc pas fait obligation de justifier ce retrait. Il n’est pas non plus assimilable à une sanction disciplinaire : le fait que l’adjoint en question n’ait pas pu présenter ses observations est sans conséquence sur la régularité de la décision de retrait.
2 Analyser les circonstances entourant l’abrogation
Le principe Il convient cependant d’être prudent sur les circonstances entourant l’abrogation d’une délégation. Cette décision ne doit pas être « inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l’administration communale » ( CE, 29 juin 1990, De Marin, n° 86148)
Mais la délégation aux conseillers municipaux n’est possible que si tous les adjoints bénéficient d’une délégation. D'où l'importance de...
3 Délibérer sur le maintien de l’adjoint ou du vice-président dans ses fonctions
Lorsqu’un adjoint se voit retirer ses fonctions par le maire, le conseil municipal doit se prononcer par délibération sur le maintien de la qualité d’adjoint de l’élu, en vertu de l’article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales .
Après la délibération du conseil municipal, le Conseil d’Etat envisage deux hypothèses : celle de la confirmation du retrait à l’adjoint de ses fonctions; celle du maintien de l’adjoint dans ses fonctions.
Si le Conseil municipal se prononce contre le maitien en fonctions de l’adjoint, les conseillers municipaux délégués pourront continuer à bénéficier de délégations puisque le principe de priorité sera respecté : tous les adjoints bénéficient de délégations.
Si le Conseil municipal désavoue le maire, et maintient l’adjoint dans ses fonctions, deux sous-hypothèses peuvent se présenter.
- Soit aucun conseiller municipal ne bénéficie de délégation, alors le principe de priorité n’est pas violé. Celui-ci signifie que tous les adjoints doivent bénéficier de délégations, non que les adjoints doivent bénéficier de toutes les délégations (v. supra).
- Soit des délégations ont été accordées à des conseillers municipaux : alors la règle de priorité est violée.
Sur ce point, le législateur a donc resseré les règles de priorité des adjoints, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
En effet, auparavant, si l’adjoint ne démissionnait pas, il était possible de maintenir les délégations accordées à des conseillers municipaux. Désormais, la délégation à un conseiller n’est possible que si tous les adjoints sont pourvus de délégations, y compris donc l’adjoint auquel le maire avait entendu retirer la sienne.
Le maire dispose toujours de la même liberté pour retirer ses délégations aux adjoints, mais une conséquence induite doit être prise en compte : si le conseil municipal maintient l’adjoint dans ses fonctions d’adjoint, et qu’aucune délégation ne lui est plus accordée par le maire, ce dernier devra retirer toutes les délégations accordées aux conseillers municipaux.
Je propose donc à chacun de lire attentivement ce résumé de procédure afin d'en tirer maintenant comme dans les CINQ ANS ET DEMI à venir toutes les conclusions et éventuels bénéfices.
LES CITOYENS ECLAIRES SONT LES SEULS GARANTS DES LIMITES DU POUVOIR DANS UNE DEMOCRATIE REPRESENTATIVE MAIS NON PARTICIPATIVE, SELON LE CHOIX STRATEGIQUE DU MAIRE DE BOURGES.